Politique
Vers un système d'assurance récolte "totalement neuf"
La réforme du système assurantiel et la question de l’eau ont animé le grand colloque sur la souveraineté alimentaire organisé le 18 mai en présence du Président de la République.
La réforme du système assurantiel et la question de l’eau ont animé le grand colloque sur la souveraineté alimentaire organisé le 18 mai en présence du Président de la République.
Julien Denormandie semble avoir obtenu gain de cause sur l’assurance récolte au sein de l’exécutif. Depuis plusieurs semaines, et l’épisode de gel qui a touché une grande partie du territoire métropolitain, le ministre de l’Agriculture portait publiquement l’idée d’une «cotisation» basée sur la «solidarité nationale» pour abonder le financement du dispositif. Il affirmait attendre un arbitrage du gouvernement sur cette question.
À l’occasion d’un colloque organisé le 18 mai par le Caf (FNSEA, JA, APCA, Coop de France…), sur le thème de la «souveraineté alimentaire», Emmanuel Macron a pris le parti du jeune ministre. Le chef de l’État a déclaré que «nos agriculteurs ne peuvent pas payer seuls cette assurance». Et d’insister : «Il faudra qu’il y ait un financement, de toute façon public, pour créer un système totalement neuf».
Pour le président, ce soutien renforcé s’inscrit dans un objectif de politique générale : «On ne peut pas dire: la nation veut être souveraine, doit pouvoir se nourrir, et accepter que face à ces dérèglements climatiques on ne résiste pas». Pas de chiffre annoncé, ni d’arbitrage limpide sur le caractère obligatoire ou non de la future assurance, mais Emmanuel Macron souhaite «convaincre l’ensemble de nos agriculteurs de rentrer dans ce régime».
La forme reste à trouver
La forme de ce financement public reste aussi à définir, par les ministres de l’Agriculture et de l’Économie, qu’il a mandatés conjointement sur ce sujet. Dans son rapport rendu mi-avril, le député Frédéric Descrozaille (LREM, Val-de-Marne) –qui épaule Julien Denormandie sur le sujet– évoquait «trois sources de financement possibles» pour la montée en charge de l’assurance : hausses des taxes sur les assurances agricoles, sur les assurances automobile et habitation, ou de la taxe sur les activités polluantes.
Ce soutien pourrait notamment servir à diminuer les seuils de déclenchement et de franchise de l’assurance, comme le demande le syndicalisme majoritaire. Environ deux tiers de la prime d’assurance sont pris en charge par les pouvoirs publics, français et européen. Le financement national est actuellement assis sur des cotisations agricoles et des subventions publiques.
Varenne de l’eau précisé
Le Président de la République a également évoqué le sujet des retenues d’eau, en précisant la feuille de route du ministre de l’Agriculture pour la conduite du Varenne de l’eau qui doit débuter dans les prochaines semaines (lire également ci-dessous). «J’ai demandé au ministre de mettre à plat, là maintenant – cela commence dans quelques semaines – tous les projets pour qu’on simplifie les règles et qu’on avance.» Il a toutefois rappelé qu’ils doivent s’intégrer «dans des projets de territoires» pour la gestion de l’eau (PTGE).
Sur ce dossier de l’eau, «bloqué» à la suite du «drame de Sivens», M. Macron a semblé vouloir cibler plus particulièrement les petits projets, y faisant plusieurs fois allusion, comme son ministre de l’Agriculture depuis plusieurs mois. «Le projet de ce Varenne de l’eau va être de regarder tous les blocages que l’on a sur le territoire et de réussir à définir une méthodologie beaucoup plus rapide et faire sortir en particulier tous ces petits projets en quelques mois, et pas en 18, 24 et quelques fois plus, 36 mois», a résumé le chef de l’État.
Offensif sur les clauses miroirs
Enfin, comme l’avait déjà défendu le ministre du Commerce extérieur Frank Riester, le président s’est montré favorable à l’imposition de «clauses miroirs» dans la politique commerciale européenne. La France souhaite la fixation pour les denrées importées de normes de production (environnementales ou sociales) équivalentes à celles pratiquées dans l’UE, y compris dans les cas où ces normes n’auraient de bénéfice que dans le pays où les denrées sont produites.
«Nous devons avoir des échanges commerciaux avec des gens qui font les mêmes efforts», a expliqué Emmanuel Macron. Et d’insister: «Pas de négociation commerciale avec les pays qui ne respectent pas l’Accord de Paris, mais nous défendons aussi la clause miroir, c’est-à-dire le fait de pouvoir refléter nos contraintes avec les gens avec qui nous échangeons». «La présidence française de l’Union européenne doit porter fièrement la question des clauses miroirs», avait d’ailleurs déclaré plus tôt dans la matinée le ministre de l’Agriculture.
En effet, l’Union européenne a entamé depuis quelques mois une révision de la politique commerciale dont elle a la charge au nom des États membres. La Commission européenne a présenté une première proposition en février, qui ne retient pour l’instant pas le concept de «clause miroir». L’examen de cette réforme débute au Parlement. «Nous sommes en train de gagner la bataille culturelle», a assuré le président (Renew Europe) de la commission environnement du Parlement européen, Pascal Canfin, constatant toutefois des freins d’ordre «juridique», rappelant par exemple que «nous n’avons pas de souveraineté sur la biodiversité brésilienne».