Territoire Grand Albigeois : «Albi a toute sa place aux côtés du monde agricole»
Pour Stéphanie Guiraud-Chaumeil, présidente de l'agglomération du Grand Albigeois, le pôle urbain et sa concentration de consommateurs doit aider à maintenir une agriculture locale.
> En 2014, la ville d'Albi s'est fixée l'objectif d'atteindre l'autosuffisance alimentaire à l'horizon 2020 à l'aide d'un plan alimentaire territorial. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
«Le maire adjoint qui porte cette démarche, Jean-Michel Bouat, a été l'un des premiers adjoints au maire en France à être délégué à l'agriculture urbaine. L'idée était de créer une prise de conscience, de provoquer un déclic indispensable dans les habitudes de consommation. Là-dessus, les choses ont bien avancé. Cela va au-delà du projet de Canavières, cette zone d'aménagement différé sur laquelle on acquiert au fur et à mesure des terrains pour les rendre au maraîchage. Quasiment à chaque conseil municipal d'Albi on a des acquisitions à Canavières. Cette réimplantation des maraîchers se fait dans le cadre d'une convention tripartite : ville d'Albi, Chambre d'agriculture du Tarn, lycée agricole de Fonlabour. La ville met à disposition des terres, la Chambre d'agriculture accompagne des futurs exploitants et Fonlabour assure la formation qui est parfois nécessaire. Derrière ce projet central de Canavières on déroule d'autres projets. C'est par exemple le nouveau marché de producteurs du Castelviel que l'on a développé avec la Chambre d'agriculture. On est vraiment dans une dynamique de produire et de consommer local.
En parallèle, il y a toute la dynamique portée par la cuisine centrale d'Albi. On préfère du local et du circuit court que du bio qui vient de Chine ou d'Allemagne. Cette logique est démultipliée depuis quelque temps avec une nouveauté depuis l'an dernier : les contrats de production saisonnière. On ne peut pas demander à un producteur de nous donner des lentilles ou des fraises toute l'année. En même temps, il ne faut pas que cette saisonnalité le freine à devenir un client de la cuisine centrale. Donc on a des marchés saisonniers en fonction des capacités de production.
Tout cela s'intègre dans notre plan alimentaire territorial. Je me permets aussi de rappeler que la ville est son propre producteur d'eau potable. Depuis la fin du XIXe siècle, les Albigeois produisent leur eau potable. Nous puisons l'eau
du Tarn, qui est entièrement traitée et distribuée par nos collaborateurs. C'est vraiment une régie municipale. On est en train de construire une station de production d'eau potable avec les communes d'Arthès, Lescure et Saint-Juéry. Même ça, on le fait en local, nous ne sommes plus très nombreux à avoir ce type de fonctionnement.
Par ailleurs, il y a les jardins partagés. Notre service patrimoine végétal, au lieu de mettre des végétaux d'ornement, met de plus en plus des groseillers, des mû-riers, etc. Avec un aspect pédagogique qui repose sur un système de feu tricolore pour rappeler aux gens qu'il faut attendre le feu vert avant de ramasser les groseilles par exemple. Il faut que ça devien-ne une évidence pour les générations à venir qu'on doit bien manger, qu'on ne mange pas des fraises et des tomates toute l'année et que les légumes moches sont aussi très bons.»
> Vous l'avez évoqué, pour fournir un menu 100% local une fois par mois aux écoliers, la ville, via sa cuisine centrale qui produit 3 400 repas par jour, a contractualisé avec 23 producteurs locaux. Quel bilan tirez-vous de cette action en termes de logistique, de coût, de communication, etc. ?
«Le coût est supérieur, c'est une évidence, car il y a des contraintes de production, en local, qui ne sont pas les mêmes que si on achetait des gros volumes. On essaie de répercuter le moins possible ce surcoût sur le prix du repas dans les cantines, les crèches et auprès des 600 aînés qui sont livrés à domicile tous les jours par le CCAS. Cela fonctionne bien car c'est aussi pour nous une façon de pérenniser des entreprises et donc des emplois locaux, à l'échelle du département ou des départements limitrophes. Il y a aussi tout le volet pédagogique et transversal en classe rendu possible grâce à ces menus. Et les jours des menus 100% local, il n'y a pas de gaspillage.»
> Ce menu a-t-il vocation à devenir plus fréquent ?
«Il faudrait qu'on puisse le démultiplier. Comme notre mode d'approvisionnement est de plus en plus tourné vers les acteurs locaux, il y a de plus en plus de produits. Quasiment tous les jours, même si le menu n'est pas 100% local, vous avez des produits d'ici. Le fait de travailler avec des acteurs locaux nous donne la possibilité d'adapter nos commandes. Ça aussi, c'est une force. Un exemple : avec un yaourt de 100 ml, il y a souvent des restes chez les tout petits ou les aînés. On a trouvé un producteur local qui fait des pots de 80 ml. Résultat : on n'a plus de gaspillage.»
> Cette démarche peut-elle être étendue à l'ensemble du Grand Albigeois ?
«On a été dans les premiers. On le voit avec le nombre de territoires qui sont venus se renseigner, même la ville de Bordeaux est venue. Quand on a ce type de démarche, c'est très vaste et chacun y puise ce qui peut l'intéresser. C'est pour ça qu'il était important, pour nous, de le grouper derrière le plan alimentaire territorial pour donner un cap et avoir un suivi des différentes actions.
Le marché du Castelviel, c'était une expérimentation et ça fonctionne super bien. Ils ont trouvé leur clientèle, en complémentarité des autres marchés de la ville. Peut-être qu'il faudra aller plus loin dans le nombre de producteurs. Il faut qu'on donne des débouchés à nos entreprises agricoles locales pour avoir une alimentation de qualité ici.»
> En participant à l'organisation d'événements tels que Ferme en ville ou le concours de jugement d'animaux par les jeunes (CJAJ), Albi montre son attachement au monde agricole. En quoi est-ce important pour vous ?
«Certes on est un territoire urbain, mais on est dans un département rural et Albi a toute sa place dans cette logique. Je trouvais qu'on était très en dehors des radars du monde agricole. Au mandat précédent j'avais impulsé, avec le président des Vignerons indépendants de l'époque, Place aux vignerons. Je trouve important qu'Albi, même en tant que préfecture ait toute sa place dans ces dispositifs car on est les plus gros consommateurs du territoire finalement. Et on se rend compte que nos populations ont aussi besoin et envie de cette pédagogie, de bien manger. Le CJAJ, c'était juste génial car ils n'avaient jamais pensé pouvoir le faire à Albi. Or, nous avons tous les enfants des écoles. C'est une chance de pouvoir leur montrer qu'il y a des métiers dans toutes ces filières. On est attentif à pouvoir être un acteur naturel de toutes ces animations. Nous l'avions fait dès le début du mandat avec l'accueil du congrès national des producteurs de lait. C'est important pour nous de montrer que, quand on parle de ruralité et d'entreprises agricoles, Albi a toute sa place dans ce dispositif.»
> L'activité agricole est toujours très présente dans ce territoire urbain. Comment se passe cette cohabitation selon vous ?
«Je ne crois pas qu'il y ait de problèmes. On est en pleine constitution de notre plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). Sur tout ce qui est préservation du foncier agricole. On a les mêmes contraintes et on se pose les mêmes questions en termes de produits phytosanitaires. OK, l'utilisation de ces produits est interdite, mais du coup comment on fait ? Comment fait-on pour sauver nos buis de la pyrale du buis ? Quelles sont nos orientations en termes de plantations pour faire attention à la consommation d'eau de nos villes ? C'est pour cela que l'on voit se multiplier les jardins secs ou avec des essences qui ne vont pas être trop gourmandes en eau. Quand on est en période de difficulté, je préfère qu'on arrose des champs que des espaces verts. On a des contraintes similaires avec des enjeux évidemment différents dans la mesure où ces espaces verts ne sont pas notre outil de travail.»
Propos recueillis par D. Monnery
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