Taxe carbone : quel sera le montant de la facture pour l'agriculture ?
L'annonce de la mise en œuvre d'une taxe carbone également appelée "contribution climat énergie" inquiète les professionnels et mobilise les associations de consommateurs. Il devrait y avoir des mesures compensatoires.
Dès le début du Grenelle de l'environnement, Nicolas Hulot avait évoqué l'idée d'une contribution des personnes et des entreprises aux émissions de CO2, sur le principe du " pollueur-payeur ". Mais à l'époque, le Président de la République n'avait pas souhaité donner suite à cette idée, tout au moins immédiatement. La loi Grenelle 1 intègre aujourd'hui l'article 2 cette future taxe : "L'Etat étudiera la création d'une contribution dite "climat-énergie" en vue d'encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Cette contribution aura pour objet d'intégrer les effets des émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d'énergies fossiles. Elle sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises."
L'annonce d'une taxe carbone n'arrive pas forcément au bon moment pour les ménages, qui subissent de plein fouet la récession, et les entreprises, touchées par la hausse des coûts de production et la baisse de la consommation.
L'UFC-Que choisir annonce que, d'après un sondage qu'elle a commandé début septembre au groupe CSA, 74 % des français ont une opinion défavorable de la taxe carbone.
Les questions sur la mise en œuvre de la contribution climat énergie se sont multipliées notamment du côté des professionnels et plus particulièrement des agriculteurs. Nicolas Sarkozy a fini par annoncer le 10 septembre dernier que la taxe serait de 17 euros par tonnes de CO2 dès 2010. Cette fiscalité devrait coûter environ 130 millions d'euros aux agriculteurs.
La nouvelle taxe pourrait entraîner une hausse de 15 % des coûts de production pour les secteurs les plus gourmands en énergie comme le maraîchage sous serres.
Cela représente environ quatre centimes d'euro par litre d'essence, 4,5 centimes par litres de fioul ou 0.4 centimes par KWh de gaz. Le but de la France étant de diviser par quatre ses émissions de CO2 d'ici à 2050, par rapport au niveau de 1990.
Mais le président a prévenu : "Qu'il soit bien clair, que le niveau de la taxe carbone aura vocation à s'élever progressivement au fil du temps". On ignore encore à quel rythme et avec quelle échéance. Seul point de mire, la conférence des experts qui avait proposé au départ comme référence une contribution d'une valeur de 32 euros par tonne de CO2 (voir encadré)
Des compensations à définir
Des mesures compensatoires devraient voir le jour pour l'agriculture notamment. Interrogé dans l'Express du 9 septembre sur le sujet, le ministre de l'agriculture Bruno Le Maire indiquait que "sur le fond, elle est nécessaire, car le monde agricole doit être plus économe en énergie et amorcer encore mieux le tournant du développement durable. Mais on ne peut pas alourdir les charges des agriculteurs au moment où on leur demande d'améliorer leur compétitivité. Il faudra des compensations". "Les pêcheurs, les horticulteurs, les productions sous serres mériteront notamment un traitement particulier" avait-il précisé.
Nicolas Sarkozy souhaite que la suppression de la taxe professionnelle viennent compenser en partie le surcoût de la taxe carbone. Mais la majorité des exploitations agricoles ne sera pas touchée par cette exonération.
Dans un rapport de juin 2009 sur le sujet (1) la sénatrice Fabienne Keller, présidente du groupe de travail sur la fiscalité environnementale du Sénat, souligne "la très grande sensibilité du monde agricole et de la pêche aux aléas affectant les prix de l'énergie nécessite qu'une étude d'impact extrêmement approfondie soit préalablement élaborée pour ces secteurs. En effet, la maîtrise des prix de l'énergie, au moyen d'une fiscalité allégée, a toujours constitué un outil de soutien économique important de ce secteur."
Fabienne Keller est favorable à la mise en place d'une taxe carbone et les 8 milliards d'euro de recette évalués par an doivent selon elle "être utilisés de manière totalement transparente et de manière vertueuse au niveau écologique." Pour ce qui est des particuliers, la sénatrice est favorable à l'instauration d'un "chèque vert" pour aider les ménages, notamment les plus modestes, à émettre moins de carbone (l'isolation du logement, l'achat de voitures plus "propres" etc).
Au niveau agricole, dans la plupart des pays européens où la fiscalité environnementale a été mise en place, des compensations pour les productions sous serres ont été prévues. En France, la consommation énergétique de la production légumière représente 30% des consommations globales agricoles. Selon une étude menée en 2005 par l'ADEME, en maraîchage, l'énergie représente en moyenne 22 % des charges de production directes des exploitations de cultures sous serres chauffées. Dans un secteur aussi concurrentiel que les fruits et légumes, comme en témoigne la récente crise de la filière, une augmentation des coûts de production de 10 à 20% constituerait une désavantage compétitif important.
Le gouvernement a désormais jusqu'au début du mois d'octobre et l'examen du projet de loi de finance 2010 à l'assemblée nationale pour mettre au point un mécanisme de compensation.
D'après Agrapresse
(1) " En attendant la taxe carbone... Enjeux et outils de la réduction des émissions de CO2 ".