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Témoignage
“C’est un métier où il n’y a jamais de certitudes”

Récemment installé sur la commune de Montgaillard, Paul Bourcier a profité de la conversion bio réalisée par son père en 2010 pour s’employer à une activité maraîchère. 

Actuellement en Gaec avec sa mère, Paul représente l’avenir de l’exploitation familiale. Jean-Paul Doumayrou, son père, retraité il y a deux ans maintenant, était producteur en grandes cultures (120 ha). Difficile tout de même pour lui d’abandonner complètement l’exploitation : “On travaille pour l’avenir de Paul. Je continue à gérer la partie grandes cultures mais notre stratégie est de décroître à ce niveau-là pour valoriser l’activité de notre fils, et l’avenir de la ferme.” Installé en 2018, le jeune agriculteur n’a jamais vraiment songé à prendre le relais de son père : “Les céréales et la conduite de tracteur, ça ne me bottait pas trop”, explique-t-il. Après avoir obtenu un BTS production horticole et réalisé une alternance pour s'imprégner du terrain, l’aventure commence. 3000 m2 la première année, 1,5 ha désormais…le rythme de croisière est quasiment trouvé pour lui : “Je ne compte pas évoluer en termes de surface, sauf si j’ai un débouché assuré sur une culture que je sais maîtriser.”
Apportant respectivement de l’expérience et un regard nouveau sur l’agriculture, Jean-Paul et son fils ont répondu à quelques questions sur la situation de la filière bio, à travers l’exemple de leur exploitation, et de leurs différentes productions. 

> Quelles difficultés ont-été rencontrées depuis ton installation ? Que ce soit sur l’aspect technique ou sur la partie commercialisation par exemple. 
Paul Bourcier :
“J’ai essayé plusieurs circuits de commercialisation. En maraîchage, en fonction de l’endroit où on s’installe, cela peut bien comme mal se passer. Avant, je vendais dans le secteur de Montauban mais l’offre était saturée. Ça ne marchait pas bien. J'avais le foncier, une mécanisation conséquente, le soutien de mes parents…j’étais gâté ! J’avais tout pour produire, mais je n’avais pas encore les débouchés. Aujourd’hui, je suis présent sur un marché en périphérie toulousaine et ça marche beaucoup mieux ! Ensuite, je rencontre actuellement des problèmes sur mes tomates. Des problèmes que je n’arrive pas à régler malgré l’aide de techniciens spécialisés. Je ne sais pas où est le soucis. L’intérieur ne mûrit pas bien et la variété n’est pas vendable… Je remue ciel et terre pour trouver la solution… mais il faut croire que je n’ai pas encore assez remué ! Je trouve qu’en maraichage, on est un peu seuls quand on a des problèmes. Je suis satisfait de l’appui technique apporté par la conseillère maraichage de la Chambre d’agriculture, mais je pense que ça manque d'accompagnement au vu de l’importance des besoins sur le terrain… Je m’appuie également beaucoup sur le réseau des autres maraichers."
Jean-Paul Doumayrou : “En grandes cultures, il faut faire sa propre expérience. Il y a des conseils apportés par les techniciens sur le terrain, mais ça reste limité. J’aurai aimé être davantage accompagné lors de ma conversion en 2010. Quand je me suis installé il y a plus de 40 ans, on avait des conseillers sur le terrain qui s’occupaient d’un secteur. Quelqu’un venait sur les parcelles et étudiait les problèmes. C’était plus actif, maintenant on va dire que c'est un peu plus évasif.”

> Globalement, la situation du marché en bio n’est pas au beau fixe. Quel est votre ressenti par rapport à cela ? 
Paul Bourcier : “Les fluctuations du marché, sur le maraîchage, ça ne se ressent pas trop. C’est même plutôt stable. En vente directe, il n'y a jamais eu de baisse d’une année à l’autre. On peut même observer une progression constante.”
Jean-Paul Doumayrou : “En général, en grandes cultures, le marché était relativement stable au niveau des cours, on pouvait se projeter. Mais l’année dernière il y a eu une hausse exceptionnelle et cette année on nous promet une baisse exceptionnelle. Un contrecoup en quelque sorte. En blé, la coopérative ne se prononce pas encore sur le prix car ils sont incapables d’avoir une visibilité claire sur les débouchés. Mais je ne m’attends à rien de grandiose. L’an passé, le prix des céréales en conventionnel a fortement progressé, le bio a été obligé de suivre un petit peu et le marché a été faussé.”

> Quels sont les atouts aujourd’hui de produire en bio ?  
Paul Bourcier : “L’avantage normalement se situe au niveau des prix. Moi je le fais par éthique mais il y a tout de même des inconvénients à produire en bio, donc il faut que cela s’y retrouve au niveau de la plus-value à la vente.” 
Jean-Paul Doumayrou : “Ce sont des convictions par rapport à soi-même. Certains parlent de se déconvertir, mais nous, nous ne l’envisageons pas.”

> Face aux incertitudes liées au marché, quelles sont pour vous les stratégies à adopter pour “sécuriser” son exploitation ?  
Paul Bourcier : “Je commercialise également sur la ferme en direct. Cela s’est fait progressivement. À ce jour, j’ouvre deux fois par semaine et je vends à peu près autant que sur un marché hebdomadaire. Au printemps, je produis également des plants de légumes pour la vente, et j’ai aussi un projet de pépinières à côté du maraîchage, grâce auquel je vends des arbres, arbustes et fleurs vivaces mellifères. Le maraîchage, bio ou conventionnel, c’est dur, et avec les années à venir et les probables catastrophes climatiques, c’est un secteur qui me fait un petit peu peur oui. Je pense qu’il faut se diversifier.”
Jean-Paul Doumayrou : “Mais il faudra toujours manger des légumes quoi qu’il arrive !”

> Comment ont réagi les consommateurs durant cette récente période d’inflation, et quelles en ont été les conséquences sur les ventes ? 
Paul Bourcier : “En comparaison avec la grande distribution qu’on peut trouver à côté, mes prix sont tout à fait corrects, et depuis que j'ai commencé, ils n'ont pas bougé. Les ventes ne font que s'intensifier en direct. Les charges ont augmenté certes, mais j’ai pu me permettre de laisser mes prix stables. Dernièrement, le conventionnel a pas mal rattrapé le bio, notamment sur les légumes. Avant il y avait un certain écart entre les deux, mais maintenant il tend vraiment à se dissiper. Je dirais qu’avant la période covid, le produit bio coûtait 30% plus cher, maintenant on se situe plus à 15% selon les produits. Mais cela dépend beaucoup du lieu de vente. Le prix du légume est beaucoup influencé par la zone géographique.”
Jean-Paul Doumayrou : “En production légumière, les charges ne représentent pas beaucoup par rapport au chiffre d'affaires. Elles ont une place beaucoup moins importante en maraîchage qu’en grandes cultures. Il n’y a pas forcément besoin de faire suivre l’inflation sur le prix de vente à la ferme, contrairement au prix des grandes cultures qui est fortement lié à toutes les augmentations.”

> L’avenir de l’agriculture biologique, comment l’appréhendez-vous ? 
Paul Bourcier : “Que ce soit en maraîchage ou en grandes cultures, le bio d’aujourd’hui ne sera peut-être pas le bio de demain, en termes de règles à suivre. On va globalement vers une hygiénisation de l’agriculture. Les normes vont alors peut-être devenir plus sévères pour le bio, qui demain sera alors désuet. Tout cela reste assez incertain !”
Jean-Paul Doumayrou : “On pratique un métier où il n’y a jamais de certitudes. Si je devais identifier un problème, je dirais qu’en conventionnel, il y a beaucoup de marques de reconnaissances comme HVE par exemple. Plus l’agriculture conventionnelle devient propre, plus l’intérêt du bio va s’amenuiser. Il y aura peut-être à l'avenir une convergence des techniques. 
Il y aussi des gens qui cherchent à dévaloriser le bio ! Mais une chose est sûre, le consommateur jouera un rôle clé."

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