Gouvernement
Annie Genevard : une visite qui restera épizoodique
En visite dans le sud du département sur une exploitation bovine le lundi 4 novembre, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard et son discours n’ont pas vraiment fait l’unanimité.
En visite dans le sud du département sur une exploitation bovine le lundi 4 novembre, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard et son discours n’ont pas vraiment fait l’unanimité.
“Insatisfaits”. “Inquiets”. “Déçus”. Dans un premier temps ravis et reconnaissants de voir la ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté et de la Forêt se déplacer sur une exploitation tarnaise, les représentants agricoles du département ont vite déchanté. Sous un soleil orangé en fin de journée, tous ceux qui attendaient des réponses et des avancées ont ri jaune. Après le passage de la ministre de l'Agriculture dans le Tarn, les sentiments qui prédominent ne sont pas vraiment ceux qui étaient attendus. Force est de constater qu’Annie Genevard a manqué l’occasion de rassurer la profession agricole, sérieusement préoccupée par les évolutions inquiétantes de la MHE et la FCO sur le territoire. Faute de temps ? D’argent dans les caisses ? La nouvelle ministre de 68 ans a semblé démunie de solutions face à une crise sanitaire de plus en plus alarmante : “On nous annonce de nouveaux virus, de nouveaux variants… les choses s’accélèrent. On doit changer de stratégie, car nous serons toujours en retard sur les maladies, et on ne peut pas continuer comme ça. On le voit, le fonds d’urgence de 75 M n’est pas suffisant. Cela montre l’ampleur de la crise. On doit trouver un moyen d’indemniser convenablement, davantage, et plus rapidement.” En visite sur l’exploitation de Nicolas Semenou à Montgey, secrétaire général des Jeunes agriculteurs du Tarn et éleveur de Blondes d’Aquitaine, la représentante de l’État a été confrontée à la réalité du terrain : “Madame la ministre a découvert un type d’exploitation dont elle n’avait pas idée je pense. Je crois qu’elle a aussi découvert la détresse desagriculteurs du département. Du point de vue accompagnement sur la crise sanitaire, ils se posent des questions. Aussi bien à très court terme qu’à long terme”, souligne Jean-Claude Huc, président de la Chambre d’agriculture du Tarn. Des propos largement soutenus par Christopher Régis, président des JA81 : “C’était une visite éclair. On savait que les annonces n'allaient pas être grandioses. Je pense que Madame Genevard a pris la mesure de l'alerte qu’on pouvait lui lancer aujourd’hui, sur l’exploitation de Nicolas.”
"J'avais à cœur d'apporter des réponses"
Après une visite rapide de l’exploitation, la ministre s’est entretenue plusieurs dizaines de minutes avec les éleveurs, représentants syndicaux, et élus pour entendre leurs problématiques et revendications. Par dessus le bruit des barrières heurtées par les vaches dans l’étable, - comme si, elles aussi, attendaient des réponses - la ministre assure avoir conscience que la crise est de taille : “La situation sanitaire en France est extrêmement difficile, comme dans d’autres pays européens. Ce n’est pas sans rapport avec le changement climatique, je le sais bien. La mortalité est très importante dans la filière ovine, moins dans la filière bovine mais il y a des pertes indirectes malgré tout. J’avais à cœur d’apporter les réponses qui convenaient.” Parmi elles, une commande supplémentaire de 2 millions de vaccins (en plus des 12 millions initiaux), une nouvelle stratégie portée au niveau européen pour une recherche “coordonnée de vaccins multi-cibles”, ou encore le lancement des "Assises du sanitaire animal" en début d'année prochaine. Un seul mot d’ordre, mieux anticiper : “La situation est difficile car on connaît une perte de souveraineté sanitaire de la France. Aujourd’hui, nous n’avons pas de laboratoires qui sont capables de nous fournir des vaccins contre la MHE et la FCO. C’est un immense problème. Donc nous devons anticiper. Les Assises du sanitaire animal permettront de réunir tout le monde autour d’une table : éleveurs, professionnels, laboratoires, services de l’État… L’objectif est de reprendre la main, pour arrêter de subir.” Des annonces jugées relativement vagues par les représentants agricoles tarnais. Car il y a urgence. “Je suis déçu des réponses apportées par madame la ministre. Elle n’a rien annoncé de concret sur le sujet de l’élevage, on reste sur notre faim. Il y a un manque de réaction”, déclare Frédéric Florenchie, coprésident de la FDSEA du Tarn. Même son de cloche chez Philippe Jougla, président de la FRSEA Occitanie : “C’est une bonne chose qu’elle soit venue sur une exploitation confrontée à la situation sanitaire. Malgré tout, je suis très inquiet sur le flou de ces annonces. Je suis interrogatif. Dans les mots, elle semble nous dire que les problématiques sont entendues. Mais dans les faits, je reste inquiet sur la gestion de cette crise sanitaire.” Une visite qui aura permis d’apporter des réponses, certes, mais estimées (très) incomplètes.
“Je comprends qu’elle ne puisse pas tout changer en seulement 5 semaines au Gouvernement. Mais il y a une attente du monde agricole qui est tellement énorme, notamment au niveau sanitaire, qu'on n'aura peut-être pas d’autres choix que de ressortir dans les rues. Pour nous, il manque des choses. Si elle nous avait annoncé que la vaccination devenait gratuite, nous aurions sans doute été satisfaits ce soir.” Christopher REGIS, président de JA81
"On n'a pas senti un réel engagement"
Annie Genevard a toutefois pu compter sur une rencontre accueillante sur la commune de Montgey : “Je sais que cette situation affecte le moral ainsi que le revenu des éleveurs. Aujourd’hui, je suis venue à la rencontre d’un éleveur touché, et le dialogue a été très apaisé.” Hélas, malgré une visite qui s’est parfaitement déroulée avanthier, le constat reste brumeux. Jean-Claude Huc se montre perplexe : “Que va devenir l’évolution du troupeau touché par la MHE ou la FCO d’un point de vue prolificité, reproduction, ou revenu quand il n’y aura pas de veaux à vendre l’an prochain ? Je pense qu’elle l’a découvert et qu’elle n’avait pas pris la mesure de cette situation.” Selon Christopher Régis, l’État doit agir sans tarder : ”Je comprends qu’elle ne puisse pas tout changer en seulement 5 semaines au Gouvernement. Mais il y a une attente du monde agricole qui est tellement énorme, notamment au niveau sanitaire, qu'on n'aura peut-être pas d’autres choix que de ressortir dans les rues. Pour nous, il manque des choses. Si elle nous avait annoncé que la vaccination devenait gratuite, nous aurions sans doute été satisfaits ce soir.” Globalement, les représentants agricoles tarnais sont formels : les annonces d’Annie Genevard sont décevantes. “Pour l’instant, spécifiquement sur l’élevage, le compte n’y est pas. On n’a pas senti un réel engagement vis-à-vis de ce que vivent les éleveurs. Elle nous a annoncé qu’elle allait faire des annonces mercredi. On va voir, et on lui laisse le bénéfice du doute. Ce qu’on attend d’elle, c’est qu’elle prenne en compte la façon dont on le vit”, attend à son tour Philippe Jougla. Peut-être n'a t'elle pas bien perçu la différence de traitement entre un éleveur tarnais et un éleveur du nord de la France, notamment sur la stratégie vaccinale ?
La profession est loin d'être rassurée
“Est-ce que je suis rassuré ? Un Ministre qui vient sur le terrain, c’est toujours rassurant. Mais dans les propos, je pense qu’on attend d’autres réponses dans les jours à venir.” Le président de la Chambre d’agriculture du Tarn est tout aussi dubitatif que ses collègues : “Elle ne nous a pas totalement rassurés, mais j’ai l’impression qu’elle voit la détresse. Je pense qu’il manque de l’argent dans le budget de l'agriculture, on le ressent très vite.” Les interrogations sont omniprésentes dans les têtes. Et les incertitudes affluent : “Non, on ne peut pas dire qu’on soit rassurés par ses propos. Loin de là ! Elle n’a rien dit sur l’élevage, alors qu’on fait partie des départements les plus touchés par la crise”, insiste Frédéric Florenchie, qui n’a pas manqué de rappeler à la ministre que “dans le Tarn, ou dans la plupart des départements d’Occitanie, nous avons les revenus les plus faibles de France.” Néanmoins, les agriculteurs souhaitent garder espoir, et laisser le temps à Annie Genevard de trouver des solutions : “On peut aussi imaginer qu’après sa venue aujourd’hui, les choses évolueront dans les semaines à venir. Ca, c’est si je veux rester optimiste…”, espère sincèrement Philippe Jougla.
“Que va devenir l’évolution du troupeau touché par la MHE ou la FCO d’un point de vue prolificité, reproduction, ou revenu quand il n’y aura pas de veaux à vendre l’an prochain ? Je pense qu’elle l’a découvert et qu’elle n’avait pas pris la mesure de cette situation.” Jean-Claude HUC, président de la Chambre d'agriculture du Tarn
Interrogée sur une éventuelle crainte vis-à-vis d’un potentiel nouveau mouvement de mobilisation, Annie Genevard préfère ne pas l’évoquer : “Je vous assure que j’attends avec impatience qu’il fasse froid, pour que l’intensité de l’épidémie diminue. Je suis en interlocution permanente avec les agriculteurs. Ma porte est ouverte et le sera toujours pour le dialogue.” La ministre a également souhaité donner un aperçu de son travail sur les futures mesures qui seront annoncées dans les jours prochains (voir ci-contre). À savoir le soutien de trésorerie, l’allègement des charges MSA, et le fonds hydraulique. Sujet de l’eau auquel Philippe Jougla porte justement un intérêt tout particulier : “C’est une question majeure en Occitanie. Là, je l’ai sentie plus attentive, et plus pertinente dans l'écoute. Sur le sujet de l’eau, j’aurai plus tendance à lui faire confiance.” Avant de poursuivre ses visites dans l’Aude, la ministre de l’Agriculture a souhaité se montrer attentive à l'évolution de la crise, et concernée par le futur du métier : “Je traite une urgence chaque demi-journée. Je sais que toutes les demandes sont légitimes, car le monde agricole est en grande souffrance. Et il a besoin de se sentir soutenu par la population française. Il faut aussi qu’on puisse donner des perspectives afin que les agriculteurs soient en capacité de dire qu’il y a un avenir pour la jeunesse agricole dans notre pays. C’est très important de porter ce message d’espoir.” Ce lundi, les réponses se sont faites attendre. Aujourd’hui, elles sont toujours attendues par les éleveurs et agriculteurs tarnais, en quête, plus que jamais, de certitudes pour le présent et l’avenir de leur métier.
Au lendemain de sa venue dans le Tarn, Annie Genevard s’est rendue dans l’Aude pour annoncer plusieurs mesures sur le volet du soutien à la trésorerie. Réaction de Philippe Jougla, président de la FRSEA Occitanie :
“Nous avons enfin obtenu les mesures de prêts de trésorerie qui devaient être dévoilées au lendemain des élections européennes. Cela fait partie des bonnes nouvelles. C’est une mesure réservée aux agriculteurs qui démontreront leurs difficultés par le chiffre d’affaires et/ ou avec des niveaux d’endettement élevés. La ministre a également rappelé que le dégrèvement de la TFNB faisait partie de ces mesures de soutien à la trésorerie au niveau national. Aussi, elle a annoncé qu'une enveloppe de 20 M d’euros était prévue pour la prise en charge des cotisations sociales MSA, en plus des deux autres enveloppes de 15 M d’euros déjà évoquées. Malgré tout, ce n’est pas suffisant car 90 M d’euros ont été jugés nécessaires. On a fait la moitié du chemin, mais nous ne sommes pas encore au bout. Enfin, sur le sujet du fonds d’urgence pour les exploitations les plus en difficulté, nous devons encore muscler nos arguments. Rien n’est accordé, mais rien n’est encore refusé."