Marchés des céréales : les années se suivent et ne se ressemblent pas !
Retour sur la campagne avec Philippe Dorlet, responsable du département "filières végétales" à RAGT Plateau Central.
Bien que les fondamentaux restent relativement proches, l'impact du climat et de la crise économique et financière donnent aux marchés céréaliers des tendances strictement contraires sur les deux dernières campagnes. Petit retour explicatif sur les bilans céréaliers de cette dernière campagne avec un maître-mot : la variabilité devient prix. Véritable casse-tête pour le producteur de grandes cultures lorsqu'il est face à ses choix de commercialisation, cette volatilité devra conduire à une nouvelle réflexion des producteurs en termes de gestion des risques commerciaux. Pour nous éclairer sur la campagne actuelle, le Paysan Tarnais a rencontré Philippe Dorlet, responsable du département "filières végétales" à RAGT Plateau Central.
- Quelles ont été les grandes évolutions de la dernière campagne et comment peut-on les interpréter ?
Philippe Dorlet : " En deux campagnes, nous avons eu deux situations totalement inversées. Pour 2007-2008, la récolte mondiale a baissé sensiblement. Dans la foulée, cela a fait baissé les stocks de report et augmenter le prix des matières premières. Les stocks étaient et sont toujours faibles. Ils ne jouent plus leur rôle de régulateurs du marché. A l'heure actuelle, nous n'avons que 70 jours de stocks au niveau mondial. C'est extrêmement peu.
Le premier phénomène remarquable concerne les milieux boursiers. Des financiers sont arrivés sur les marchés à terme pour gagner de l'argent. Ils ont participé à l'augmentation des prix des matières premières. La bulle financière a eu ensuite besoin de se procurer des liquidités entraînant une baisse sensible des marchés.
- La récolte 2008 vient-elle amplifier ces phénomènes ? Suffira-t-elle à reconstituer les stocks ?
Ph.D. : " 2008 est caractérisée par une très bonne récolte au niveau mondial. D'abord parce que les emblavements étaient en augmentation, mais aussi grâce à des rendements extraordinaires en blé notamment. Le marché a ainsi baissé. Les spéculateurs sont venus récupérer des liquidités sur le marché et ont amplifié la baisse. Certes nous allons reconstituer une partie des stocks mais ils étaient descendus trop bas à mon avis et ne seront que partiellement relevés. Il faut ajouter à cela une demande mondiale en céréales qui n'a jamais été aussi forte. "
- On parle beaucoup du rôle des pays de l'Europe de l'Est. Qu'en est-il vraiment ?
Ph.D. : " Dans ces pays pour la plupart, la logistique est inexistante ou presque, ce qui implique une politique d'exportation directe. En première partie de récolte, les pays de l'Est ont inondé le marché avec du blé fourrager et de l'orge à bas prix. En seconde partie de campagne, à l'automne, ils ont a nouveau bénéficié de bonnes récoltes en tournesol et maïs. Cette situation a amplifié le phénomène de volatilité des marchés. "
- Face à cette volatilité, quelle vision peut-on avoir des marchés dans un proche avenir ?
Ph.D. " Les fluctuations sont très importantes et soudaines. Ce qui est gagné en une journée peut être reperdu le lendemain sans raison apparente. Lorsqu'on regarde les marchés trois années en arrière, nous n'avions pas ces variations. Aujourd'hui, nous avons beaucoup de difficultés à prévoir l'avenir. Pour les céréaliers comme pour nous, cette situation est difficile. Il faudra s'habituer à ces fluctuations.
En ce qui concerne la campagne à venir, si on s'en tient aux fondamentaux, les céréales devraient être plutôt bien rémunérées. Nous avons une baisse des surfaces emblavées et des semis qui ont pris du retard. Tout cela devrait donc faire diminuer la récolte mondiale. Mais l'influence du système financier apportera certainement une volatilité que nous ne contrôlons pas. La météo de la campagne sera également déterminante et elle non plus n'est pas prévisible."
- Quels conseils donner aujourd'hui aux céréaliers ? Faut-il se placer sur le marché à terme ?
Ph. D. " Ce n'est pas aussi facile. Le marché à terme peut permettre de créer une assurance mais il faut être en permanence informé de ses évolutions. L'important aujourd'hui, c'est de limiter les risques et de sécuriser au moins une partie de sa récolte. On pourrait par exemple imaginer de la commercialiser en quatre parties : un quart avant la récolte, un quart pendant la récolte, un quart de septembre à décembre et un quart de janvier à mars. Avec un tel schéma, le céréalier sera assuré de ne pas vendre toute sa récolte au plus bas. "