Grandes cultures
Colza associé à des légumineuses : un cocktail intéressant
Testée dans le Sud-Ouest, l’association colza-légumineuses se montre intéressante à bien des égards, à condition de bien réussir l’implantation. Explications.
Testée dans le Sud-Ouest, l’association colza-légumineuses se montre intéressante à bien des égards, à condition de bien réussir l’implantation. Explications.
Parce qu’elle confère au colza des bénéfices agronomiques incontestables, l’association colza-légumineuses est une pratique qui suscite l’intérêt d’agriculteurs toujours plus nombreux. Terres Inovia estime qu’en 2020, 1 ha de colza sur 5 était mené de la sorte au niveau national.
Une technique à l’épreuve des agriculteurs du Sud-Ouest : 10 retours d’expérience partagés
L’expérience a été tentée avec succès par des agriculteurs du Sud-Ouest en recherche de solutions. La motivation principale de ces producteurs est l’obtention de bénéfices vis-à-vis de la lutte contre les insectes, et un moindre recours à la lutte chimique. D’autres services sont recherchés : améliorer la quantité d’azote disponible pour le colza, de la fertilité chimique des sols, ou encore limiter les risques d’asphyxie racinaire dans des parcelles hydromorphes. Quant aux légumineuses pérennes, elles sont utilisées pour couvrir le sol après la récolte du colza et contribuer à la lutte contre l’érosion. Ces agriculteurs pionniers associant le colza à des légumineuses depuis plusieurs campagnes, ont été suivis par leur technicien dans le cadre d’un groupe technique composé de 11 structures autour de cette thématique et animé par Terres Inovia.
Les résultats obtenus par ce collectif sont riches d’enseignements : l’association de légumineuses permet d’envisager la culture du colza différemment, en actionnant des leviers agronomiques efficaces. Toutefois, cette pratique, prise isolément, ne produira pas de miracle si les fondamentaux ne sont pas au rendez-vous. Pour cela, une condition indispensable : bien démarrer, en réussissant l’implantation du colza et de sa plante compagne.
La qualité de l’implantation du colza reste la priorité n°1 avec ou sans plantes compagnes
Que le colza soit seul ou associé, l’interculture qui précède le colza doit être raisonnée de façon identique, en tenant compte de l’état structural hérité du précédent, et des principaux facteurs pouvant impacter le démarrage du colza : gestion de la paille, risque de salissement précoce par exemple. Le mot d’ordre : éviter les interventions trop profondes si elles ne sont pas nécessaires, et éviter de multiplier les passages pour ne pas assécher brutalement l’horizon de surface.
La qualité d’implantation doit rester la priorité absolue dans le cas des colzas associés : seule une implantation précoce et soignée permettra de sécuriser le démarrage de la culture, en favorisant également un développement optimal des légumineuses.
C’est à partir du semis que l’itinéraire technique du colza associé doit être adapté. Celui-ci peut être réalisé en un ou deux passages, selon les équipements disponibles et les espèces de plantes compagnes choisies.
Le semis colza et légumineuses en un seul passage est plus sécurisant pour le colza
Un seul passage permet de limiter les risques de dégradation de la structure du sol et l’assèchement de l’horizon travaillé. Avec un semoir monograines, le micro-granulateur pourra être utilisé, mais uniquement avec les plus petites graines (trèfles, lentilles, fenugrec). Dans les semoirs céréales, le mélange d’au moins trois types de graines, différentes en taille et en forme, évitera une stratification dans la trémie. Quant à la féverole, la taille de sa graine nécessite une trémie compartimentée ou une caisse supplémentaire.
Si ces équipements ne sont pas disponibles, un semis en deux passages s’impose. Privilégier alors un semoir centrifuge ou un DP12 pour les légumineuses. Les deux passages doivent être le plus rapprochés possible, idéalement réalisés le même jour. Si les légumineuses sont semées à la volée et le colza au monograines, un travail très superficiel avant le semis du colza, visant à enterrer les graines de légumineuses, pourra être envisagé. Attention néanmoins à ne pas trop enfouir les petites graines.
Associer au colza un mélange de légumineuses gélives : espèces et densités de semis
Pour le colza associé, les densités de semis à respecter sont strictement les mêmes que les références «colza seul», soit une densité entre 30 et 60 graines m² selon pertes estimées à la levée (objectif 20 à 45 plantes/m² de colza). Les surdensités peuvent être préjudiciables.
Pour les couverts associés, les associations de plusieurs légumineuses, deux ou trois espèces, sont intéressantes pour multiplier les atouts et pallier à l’éventuelle défaillance d’une espèce. Les plantes à port dressé (ex : féverole…) peuvent être mélangées à des plantes à port plus étalé (lentille, trèfle d’Alexandrie…). Un autre critère de choix peut être la précocité des espèces associées : lentille, gesse, fenugrec et trèfle d’Alexandrie mono-coupe, sont des espèces précoces qui ne nécessiteront que rarement une destruction chimique. Contrairement aux féveroles et surtout aux vesces.
Pour une utilisation en espèces pures, il convient de relever quelque peu ces densités de semis, à 20-25kg/ha pour la lentille et le fenugrec, ou 30-35 kg/ha pour la gesse par exemple. Dans le sud-ouest, les vesces sont à utiliser avec précaution, puisqu’en l’absence de gel marqué, ces espèces tardives pourront concurrencer le colza au printemps.
Avec des légumineuses pérennes, d’autres bénéfices à attendre
Des légumineuses pérennes, telles que le trèfle blanc ou le trèfle violet, peuvent également être associées. Tout comme les légumineuses gélives, elles sont semées de façon concomitante au colza (densité de semis : 3 à 5 kg/ha pour les trèfles), le positionnement des graines devant rester très superficiel. Ces espèces ayant un développement limité à l’automne, elles apportent peu au colza ; on devra donc leur associer des espèces annuelles pour espérer obtenir les bénéfices évoqués plus haut. En revanche, leur intérêt réside dans l’occupation du sol après la récolte du colza, pour apporter à la parcelle tous les bénéfices d’un couvert d’interculture. Avant cela, leur développement au printemps sous le colza devra être surveillé de près, afin d’éviter une concurrence trop forte avec la culture sur la 2ème partie de son cycle. Une intervention devra être notamment envisagée sur un trèfle vigoureux et développé aux alentours du 15 mars.
Une adaptation du désherbage est incontournable
Les programmes de désherbage classiques du colza sont généralement phytotoxiques sur légumineuses. Les produits utilisés de présemis sont déconseillés, et les applications de prélevées sont à éviter si possible, car elles sont moins sélectives que les applications de post-levée. Cet allègement nécessaire des programmes de désherbage amène fort logiquement à déconseiller l’association de légumineuses sur des parcelles connues pour un historique malherbologique «chargé».
Contre les graminées, le raisonnement est le même que pour le colza seul, les rattrapages d’entrée ou sortie hiver seront réalisés avec un produit racinaire (Kerb Flo).
Contre les dicotylédones, les doses et stades d’application des produits diffèrent d’un colza seul. Privilégier des applications au stade rayonnant voire 2 à 4 feuilles du colza avec des produits type Butisan, Alabama, Novall. Fractionnez en 2 passages si besoin. Les produits tels que Callisto, Ielo (Yago, Biwix), Mozzar et Lontrel sont non-sélectifs des légumineuses.
L’expérience des agriculteurs suivis dans le sud-ouest montre qu’il n’y a pas une manière de produire et de réussir du colza associé, mais plusieurs, qui dépendent essentiellement des objectifs recherchés et du matériel disponible. Elle montre également que cette pratique concourt à l’obtention d’un colza robuste, moins vulnérable aux attaques de bioagresseurs et aux aléas climatiques.
PMG Indicatif | Objectifs en plantes/m2 | Densité de semis indicative | |
Lentille | 25g | 30 à 40 plantes/m2 | 10 à 15 kg/ha |
Fenugrec | 25g | 30 à 40 plantes/m2 | 10 à 15 kg/ha |
Gesse | 80g | 5 à 10 plantes/m2 | 15 à 20 kg/ha |
Vesce commune | 50g | 10 à 15 plantes/m2 | 10 kg/ha |
Vesce pourpre | 50g | 10 à 15 plantes/m2 | 10 kg/ha |
Féverole | 300g - 650g | 12 à 15 plantes/m2 | 50 à 80 kg/ha |
Trèfle d'Alexandrie | - | 5 kg/ha |